Olivier Ezratty : “Nous sommes en pleine phase d’innovation débridée, la rationnalisation et la consolidation vont suivre”.

Olivier Ezratty

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Interview Exclusive de Olivier Ezratty

Bonjour Olivier, pouvez-vous nous présenter les grandes tendances des objets connectés que vous avez vu au CES ?

Tant qu’à faire une liste, en voici une avec plusieurs tendances qui se dégageaient cette année :

• Une commoditisation des fitness trackers que l’on trouve mis à toutes les sauces. Mais ceux-ci vont bientôt être mangés tout crus par les montres connectées qui étaient nombreuses au CES, surtout sous Android Wear, avant l’arrivée attendue de l’Apple Watch qui va probablement faire décoller ce marché.
• Une innovation par l’intégration avec la multiplication des capteurs dans les objets : des écouteurs qui intègrent un accéléromètre et un capteur de pouls, remplaçant un tracker au poignet ou des caméras de surveillance qui captent aussi la qualité de l’air, l’humidité et la température. Cela donne des produits un peu débridés comme Edwin le Canard qui sert de canard haut-parleur thermomètre Bluetooth dans la baignoire puis de lampe de chevet d’accompagnement de l’endormissement de l’enfant dans sa chambre.
• L’émergence de solutions logiciels grand public d’orchestration des objets connectés, que ce soit avec l’américain IFTTT ou les français Sen.se Mother ou Busit. Elles jouent un rôle important dans la maison intelligente (smart home). Elles sont de plus en plus simples d’abord et sont vouées à se démocratiser.

Dans un secteur connexe, le plus objet connecté à venir est la voiture, surtout à conduite assistée puis automatique. C’est le plus gros « game changer » en devenir dans notre secteur.
Il faut aussi noter la forte présence des startups françaises dans le domaine avec pas mal de sociétés «category makers » qui inventent de vrais nouveaux objets connectés. Les vêtements connectés de Cityzen Sciences, la montre de suivi des performances au tennis iSetWatch, l’accessoire de jeux pour les pieds de 3D Rudder, etc.

Quel est l’avenir des objets connectés ?

Si l’on est croit les analystes, il est brillant et omniprésent. L’omniprésence des objets connectés est un peu troublante quand on visite le CES. C’est un peu l’overdose. Nous sommes en pleine phase d’innovation débridée qui sera suivie par une phase de rationalisation et de consolidation.

Aujourd’hui, le secteur des wearables est surtout porté par la santé et les sports, deux domaines où la mesure est un élément clé.

Le marché de la maison intelligente fait en apparence moins de progrès. On voit toujours autant de verrous connectés, de stores connectés, de thermostats connectés et de caméras de surveillance. Ces objets manquent toujours de valeur émotionnelle en comparaison avec les objets qui ont une valeur sociale (mobiles, réseaux sociaux) ou dans le divertissement (re-mobiles, TV, vidéo, audio, etc). Parfois, leur équipement est même le résultat d’une obligation légale comme les détecteurs de fumée.

Les objets connectés génèrent une nouvelle société d’hommes numériques de plus en plus assistés, de manière parfois paroxystique. Au point de déléguer son libre arbitre aux logiciels et au cloud qui nous diront quoi faire : courir maintenant, lire plus tard, voir telle vidéo ou rencontrer telle personne. La civilisation de l’hyper-data est intrigante car elle va bien au-delà de l’exo-darwinisme cher à Michel Serres et qui prévalait jusqu’à présent et qui démultipliait la force physique puis intellectuelle de l’espèce humaine. Ici, c’est son propre libre arbitre que l’on laisse aux logiciels.

J’ai vu par exemple plein d’objets pour assister les parents d’enfants en bas âge en plus du canard déjà cité : des biberons et tétines connectés, des berceaux connectés et qui bougent tout seul, sans compter les brosses à dent connectées une fois que la dentition fait son apparition. Plus des patches pour suivre en temps réel la température et la qualité du sommeil des nourrissons. On a l’impression que ces produits sont faits pour une nouvelle génération de parents hyper-angoissés.

Est ce que le consommateur va suivre ?

C’est à lui qu’il faut demander, pas à moi… .

Les ménages français dépensent en moyenne 600€ en équipements électroniques par an. Cela porte en priorité sur les équipements de base : TV, mobiles et PC/Mac. La foultitude d’objets connectés qui arrive sur le marché doit se faire une place dans ce budget qui n’est pas extensible à l’infini. Pour de nombreux objets, leur connectivité sera rapidement un plus apporté par les fabricants sans pour autant augmenter les prix, comme dans le mobilier ou l’électroménager.

Après, il faut qu’il suive dans les usages et dans la durée. L’expérience des trackers montre qu’il y a encore des progrès à faire de ce côté-là, pour créer un usage récurrent. Ou alors, comme pour les thermostats style Nest, les objets deviennent transparents et se font oublier tout en restant indispensables.

Qui va gagner la bataille du secteur à votre avis ?

Ce n’est pas une bataille rangée avec les verts contre les rouges.

En extrapolant l’histoire de l’Internet, on peut penser que les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) vont ramasser la mise, ne serait-ce que dans l’exploitation des données qui proviendront de nos objets. Surtout si les consommateurs les leur donnent, via des solutions comme Apple Homekit ou l’équivalent de Google.

Mais les objets connectés seront à terme un peu partout, comme l’électricité. Les grands gagnants seront ceux qui arriveront à créer des économies d’échelle, des effets de gamme et à créer de la valeur pour les consommateurs dans la durée. On a aussi besoin d’un maximum de standards d’interopérabilité entre les logiciels et les objets, comme ce que promeut l’alliance AllSeen. Les standards peuvent éviter la création d’oligopoles dans le secteur.

Enfin pour ce qui ne vous connaisse pas encore, pouvez-vous vous présenter ?

Depuis dix ans, je suis consultant indépendant à la fois spécialisé dans les médias audio-visuels (surtout la TV numérique) et aussi multicartes. J’apporte à mes clients une veille prospective à 360° des marchés couvrant aussi bien les aspects technologiques que les dimensions sociétales et business. Je les accompagne dans les réflexions sur leur stratégie produits. Je suis aussi très actif dans l’écosystème entrepreneurial, notamment comme expert chez Scientipôle Initiative et comme auteur du Guide de Startups, qui en est actuellement à sa 18ième édition et est téléchargé plus de 15000 fois par ans depuis 2006. Enfin, je suis l’auteur du Rapport du CES, dont l’édition 2015 est la dixième du genre. C’est un outil de travail partagé en « open data » qui permet à l’écosystème français du numérique de progresser collectivement.

Propos recueillis par Nicolas Goldstein

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